jeudi 2 septembre 2010

À la recherche de l’insaisissable 45e espèce

Au Nouveau-Brunswick

À la recherche de l’insaisissable 45e espèce


par Viateur Boutot

Dans un commentaire publié dans le quotidien néo-brunswickois, Times and Transcript1, le naturaliste amateur, Nelson Poirier, fait remarquer que sa province compte 44 espèces d'orchidées. L’auteur de l’article suppose toutefois qu’une espèce additionnelle, Cypripedium arietinum, pourrait être présente au Nouveau-Brunswick (voir carte de localisation).

L’aire de distribution de Cypripedium arietinum inclut des provinces et des états voisins du Nouveau-Brunswick : le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Maine. On trouve également l’espèce plus à l’Ouest, dans les provinces de l’Ontario, du Manitoba et de la Saskatchewan. Au Sud, l’espèce est présente de l’État de New York jusqu’au Minnesota.

L’espoir que l’espèce soit un jour découverte au Nouveau-Brunswick pourrait toutefois demeurer un souhait puisque que, selon la scientifique Marilyn Light qui étudie les espèces du Canada depuis plusieurs années, les caractéristiques géologiques de cette province ne favorisent pas la présence d’un habitat qui serait propice à l’espèce². Toutefois, on trouve, au Nouveau-Brunswick, d’autres espèces du genre Cypripedium : C. acaule – l’espèce la plus commune qui est également présente, à l’occasion, dans une forme alba – , C. parviflorum et C. reginae.

L’auteur de l’article met en garde les amateurs d’orchidées contre la collecte intempestive de plantes de Cypripedium au risque de mettre en danger la survie des espèces dans l’habitat où on les trouve présentement. Il recommande plutôt de les admirer in situ, de les photographier et d’en réaliser des illustrations. En outre, souligne-t-il, la transplantation est rarement un succès en raison des conditions particulières dont elles bénéficient dans leur habitat.

Plusieurs des 44 espèces d’orchidées présentes au Nouveau-Brunswick se trouvent dans des terrains humides, notamment des marécages. On peut notamment y observer les espèces Pogonia ophioglossoides, Arethusa bulbosa et Calopogon tuberosus qui fleurissent en milieu d’été. Elles croissent en grappes, de sorte qu’on peut les apercevoir à bonne distance.

Il n’est pas inhabituel de trouver certaines espèces le long des routes, dans des fossés demeurant humides tout l’été. On peut parfois y découvrir, entre autres, Platanthera blephariglottis var. blephariglottis, Platanthera dilatata, Platanthera grandiflora et Platanthera psycodes.
La catégorisation d’espèces indiquant qu’elles sont aujourd’hui considérées rares, peu fréquentes dans leur habitat, est souvent le résultat d’une collecte abusive de fleurs d’orchidées, par le passé. Des espèces telles que Calypso bulbosa étaient considérées abondantes au Nouveau-Brunswick.
L’auteur de l’article signale que des fleurs de cette espèce étaient à ce point nombreuses dans un boisé de cèdres que des habitants de la région les cueillaient et en vendaient des bouquets au marché ; aujourd’hui, au même endroit, l’auteur n’a pu trouver qu’une seule plante de l’espèce.

L’espoir de trouver Cypripedium arietinum quelque part au Nouveau-Brunswick est bien vivant chez l’auteur qui suppose que, l’espèce étant présente dans des provinces et états limitrophes, la possibilité de voir son rêve se réaliser est plus que probable. Pour se familiariser avec l’espèce, l’auteur s’est rendu en Nouvelle-Écosse pour l’observer en période de floraison, fin-mai. Sa quête a été fructueuse et il a dûment photographié l’espèce (voir photo illustrant cet article).

Si, d’aventure, votre passion orchidophile vous amenait à découvrir Cypripedium arietinum quelque part au Nouveau-Brunswick, vous ferez le bonheur l’auteur de l’article. Prenez alors bien soin de noter la localisation exacte de la plante et de la photographier pour que des preuves documentaires soient à la disposition de tous.


Cypripedium arietinum R. Brown3

Plante herbacée vivace, issue d’un court rhizome. Tige dressée, solitaire ou en touffe, de 15 à 30 cm de hauteur.
Feuilles : 3 à 4, elliptiques-lancéolées à étroitement ovées, de 5 à 10 cm de longueur et de 1,5 à 3,5 cm de largeur, ondulées à la marge et d’un vert foncé légèrement bleuté.

Fleur solitaire, sous-tendue par une bractée oblongue-lancéolée; 3 sépales, brun-pourpre, le dorsal ové-lancéolé, les latéraux linéaires-lancéolés un peu plus courts, plus étroits, étalés à pendants ondulés; 3 pétales, 2 semblables aux sépales bien que moins larges et le troisième (labelle) gonflé, de 1,5 à 2,5 cm de longueur et de 1 à 2 cm de largeur, blanc et densément poilu autour de l’orifice, fortement panaché de rouge-pourpre vers le bas et terminé par un éperon conique-aigu.

Fruit : une capsule dressée, ellipsoïde, brune, mesurant environ 2 cm de longueur.

Traits distinctifs : labelle blanc terminé par un éperon conique teinté de pourpre; feuilles vert foncé, glabrescentes et un peu luisantes, à pubescence blanchâtre aux nœuds.















photo :
Nelson Poirier

Marilyn Light² fait que remarquer que la fleur de Cypripedium arietinum représentée sur cette photo a été pollinisée comme le révèlent le gonflement du staminode et le développement de l’ovaire.
La scientifique précise qu’une abondante population de l’espèce est présente à l’ouest de la capitale canadienne, Ottawa (Ontario) et que des plantes de l’espèce ont été observées dans le parc de la Gatineau.
Elle ajoute que la plante passe souvent inaperçue en raison de sa petite taille.

répartition : sporadique

en Amérique du Nord : au nord, de la Saskatchewan à la Nouvelle-Écosse et au sud, du Minnesota à l’État de New York; près de la moitié des populations connues se concentrent autour des Grands Lacs.
au Québec : Témiscamingue, Outaouais et région d’Ottawa.

habitat

Cédrières, sapinières et forêts mixtes de pin blanc et de chêne rouge.
Le plus souvent en bordure de plans d’eau, sur des sols minces de 3 à 30 cm d’épaisseur, associés à des substrats calcaires, des marbres ou des schistes.

biologie

Espèce qui croît à l’ombre.
Floraison à la fin de mai ou au début de juin selon la région.
Fruits arrivant à maturité au cours de l’été et dispersion des graines à l’automne et au printemps.
Germination des graines nécessitant des conditions particulières de pH et d’humidité ainsi qu’une association avec un champignon microscopique.
Faible taux de reproduction sexuée.
Propagation végétative à partir de bourgeons se développant sur le rhizome.


conservation


Au Québec, on connaît une trentaine d’occurrences de cette espèce totalisant 6000 individus environ.
La plupart des occurrences correspondent à de petites populations comptant moins de 100 individus.
L’expansion de l’espèce est limitée par son habitat relativement restreint au Québec.
Les coupes forestières et la construction de chalets constituent les principales menaces à sa survie.
Désigné espèce vulnérable en 1998, Cypripedium arietinum bénéficie d’une protection juridique au Québec et deux de ses habitats sont protégés.
L’espèce est considérée comme rare, menacée ou fortement menacée dans l’ensemble de son aire de répartition.
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1 http://timestranscript.canadaeast.com/lifetimes/article/1165944
 2             « One challenge with NB is the mismatch between geology and preferred habitat of this species.
A goodly part of NB is likely unsuitable for this orchid. »
(courriel, 8 août 2010)
 3              notes éditées à partir la fiche disponible à cette adresse : 

http://www.mddep.gouv.qc.ca/biodiversite/especes/cypripede/cypripede.htm


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