lundi 10 décembre 2012

Aire écologique Wagner, en Alberta, un trésor à conserver

Par Viateur Boutot

Située à quelques kilomètres à l'ouest de la ville d'Edmonton, en Alberta, le site naturel Wagner est d'une grande richesse écologique. Dans cette zone humide, on trouve de nombreuses espèces animales et végétales dont 16 des 26 orchidées indigènes de la province1.

 L'avenir de cette aire écologique est toutefois menacé. Les autorités du comté de Parkland évaluent la possibilité d'un rezonage des terres situées au sud de l'aire de Wagner, pour leur attribuer un statut de zone industriel-le au lieu de celui de région agricole comme c'est le cas présentement.2

Face aux inquiétudes soulevées par cette procédure, les autorités du comté rappellent, pour calmer les esprits, que le plan de rezonage ne pourra entrer en vigueur avant que ne soit effectuée une étude sur l'écologie de la région. Le conseil du comté doit non seulement tenir compte des préoccupations des citoyens et d'autres parties intéressées mais également se conformer aux termes d'une entente entre la Ville d'Edmonton et les municipalités avoisinantes qui stipule que tout développement dans une aire naturelle doit être encadré par des mesures faisant preuve de la plus grande circonspection.

Toutefois, la possibilité même d'un développement industriel aux abords de l'aire Wagner ravive la mémoire des luttes menées au cours des 40 dernières années par des scientifiques, des naturalistes et les propriétaires de terres de la région afin d'empêcher des développements qui auraient touché cette aire écologique.

La construction de routes, de bâtiments, de systèmes d'égouts et d'aqueducs aux limites de l'aire Wagner pourrait grandement modifier l'écoulement de l'eau qui est crucial pour ce milieu humide. En effet, sans le flux de l'eau souterraine, l'aire pourrait complètement se dessécher.

L'aire Wagner, une tourbière calcifère (eutrophe3), est un milieu dont la vitalité est liée à la fois aux précipitations et à l'eau souterraine. Dans l'aire Wagner, l'eau souterraine provenant des hautes terres adjacentes pas-se à travers des dépôts de sable glaciaire et du gravier avant de revenir à la surface. Le carbonate de calcium présent dans l'eau glaciaire se concentre progressive-ment en une pâte blanche appelée marne4. L'eau, riche en minéraux et hautement alcaline, circule à longueur d'année à une température d'environ 4 °C, ce qui convient parfaitement aux plantes sensibles au gel et nécessitant des conditions humides.

Tout arrêt ou déviation du flux de l'eau souterraine ou toute modification de sa composition chimique pourrait entraîner la disparition d'espèces présentes dans l'aire Wagner. Des chercheurs de l'Université de l'Alberta qui ont étudié pendant des années le flux de l'eau souterraine dans l'aire Wagner ont constaté des changements pouvant être attribués à une sécheresse, au réchauffe-ment du climat et aux développements industriels qui sont déjà survenus autour de l'aire écologique.

Des orchidées de l'aire Wagner

Ayant une superficie d'à peine 2,16 km2, l'aire Wa-gner5 est l'habitat d'un sixième des espèces végétales de l'Alberta dont Cypripedium parviflorum var. pubescens.

On trouve également dans l'aire Wagner l'espèce Ga-learis rotundifolia qui nécessite un milieu où l'eau sou-terraine est présente à quelques centimètres sous la surface du sol. De façon générale, la survie et le dévelop-pement de la plupart des orchidées présentes dans l'aire Wagner est intimement liée aux changements dans la composition chimique de l'eau du milieu.

Au siècle passé

Un immigrant d'origine allemande, Frederick Wagner — qui avait acheté, en 1926, la terre où est située l'aire qui porte son nom dans le but d'exploiter la forêt de conifères et d'établir une ferme laitière — dut engager une poursuite judiciaire contre la compagnie ferroviaire Canadian Pacific Railway, l'ex-propriétaire, qui souhai-tait lancer une opération minière pour transformer la marne en ciment. Dans l'argumentaire présenté et validé en cour, l'avocat de Wagner souligna que, selon la législation en vigueur, la marne ne constituait pas une ressource souterraine comme le pétrole et le gaz dont les droits appartiennent à la province.

Par ailleurs, le projet de ferme laitière de Wagner n'est pas non plus devenu réalité. On suppose que la présence de dolines6 et de l'espèce Triglochin maritima qui produit une substance nocive qui aurait pu rendre les animaux malades et contaminer le lait fit obstacle au plan d'exploitation.

En 1946, à la suite de la découverte de pétrole à Leduc, au sud d'Edmonton, le fils de Wagner dut mener une nouvelle bataille, cette fois contre des compagnies d’exploration pétrolière. Les sociétés Shell et Imperial Oil procédèrent au forage de puits de sonde à l'est de l'actuelle aire Wagner menaçant d'inonder complètement les terres.

Par la suite, Wagner qui ne considérait pas que la tourbière avait une grande valeur céda volontiers ses terres à des naturalistes d'Edmonton qui en firent l'acquisition avec, notamment, l'appui de l'Université de l'Alberta et de l'organisme Nature Conservancy of Canada.

Malgré la désignation, ultérieurement, de la tourbière Wagner comme aire écologique, la conservation de ce milieu naturel sera à nouveau menacée en 1988 alors que le ministère des Transports de l'Alberta annonça la construction d'une route au sud de l'aire naturelle, développe-ment qui aurait bloqué le flux de l'eau souterraine dans la tourbière.

À la suite de pressions de la part de naturalistes, propriétaires de terres de la région et de scientifiques, le ministère dut réaliser une étude d'impacts environnementaux qui mena à la modification du parcours de la route envisagée.

À l'appui de leurs démarches de lobbying, les défenseurs de l'aire Wagner confièrent au scientifique Matt Fairbarns la tâche de repérer une espèce rare, Hammarbya paludosa. L'entreprise fut fructueuse et on sait maintenant que cette espèce est présente dans trois sites en Alberta. La découverte de cette espèce dans l'aire Wagner fut déterminante dans la décision d'établir un nouveau parcours pour la route envisagée par le ministère des Transports.

Un héritage naturel à protéger

Si des batailles ont été gagnées, la survie de l'aire Wagner à long terme est loin d'être assurée. Des scientifiques ont constaté que plusieurs espèces de la faune aviaire présentes dans l'aire naturelle étaient disparues. Pourtant, les défenseurs de l'aire écologique sont déterminés à protéger ce milieu riche en biodiversité et à ne ménager aucun effort dans ce but.
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1 Calypso bulbosa, Corallorhiza maculata, Corallorhiza trifida, Cypripedium calceolus [parviflorum] var. pubescens, Cypripedium passerinum, Goodyera repens, Habenaria [Platanthera] dilatata, Habenaria [Platanthera] hyperborea, Habenaria [Platanthera] obtusata, Habenaria [Platanthera] orbiculata, Habenaria [Dactylorhiza] viridis, Listera [Neottia] cordata, Malaxis monophyllos, Malaxis [Hammarbya] paludosa, Orchis [Galearis] rotundifolia, Spiranthes romanzoffiana.
 (les noms de genres précisés entre crochets sont ceux qui sont acceptés et compilés dans la base de données World Checklist of Selected Plant Families, Royal Botanic Gardens, Kew, Royaume-Uni)
2 http://www.vancouversun.com/business/Uni-que+wetland+threatened+development+once+again/7009105/story.html
3 eutrophe : riche en éléments nutritifs.
4 marne : dépôt terreux, tendre et non consolidé, formé de carbonate de calcium ou de carbonate de magnésium, ou d'un mélange des deux, généralement mêlés à des quantités varia-bles d'argile ou d'autres impuretés.
5 Wein, Ross W., Coyotes Still Sing in My Valley : Conserving Biodiversity in a Northern City, Spotted Cow Press, 2006, p. 181.
6 doline : cavité en forme d'entonnoir à la surface de la terre, résultant de la désagrégation de la pierre, qui communique avec le système de drainage souterrain dans les régions calcaires.

vendredi 5 octobre 2012

Cuba - par Viateur Boutot

(5 octobre 2012) – Des spécialistes des orchidées d’Europe et des Amériques ont rendez-vous au Jardin botanique Orquideario Soroa, dans la province d'Artemisa, à l'ouest de Cuba, pour participer à un congrès¹ qui se tiendra du 23 au 25 octobre 2012.

Dans le cadre de cette rencontre – VIII taller internacional de orquídeas² – les scientifiques mettront en commun les résultats de leurs recherches dans les champs d'intérêt suivants : conservation, gestion des collections, reproduction in vitro, écologie, biologie moléculaire, phytopathologie, entomologie et phytogéographie.

La collection d'orchidées du Jardin botanique de Soroa comprend environ 500 espèces, indigènes ou provenant d'autres régions du monde.
Sur l'île de Cuba, on trouve près de 300 espèces indigènes dont environ le tiers dans l'Ouest du pays.

source de l'image :
http://a4.sphotos.ak.fbcdn.net/hphotos-ak-ash4/375578_2651617971162_1277154116_3057029_2068470371_n.jpg
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1 http://www.havanatimes.org/?p=79768
2 http://osssu.org/main/meetings.html