dimanche 11 mars 2012

champignons en symbiose

Forêts anciennes pour la pérennité des espèces - par Viateur Boutot

Aux premiers moments de leur existence, les orchidées sont entièrement dépendantes de champignons microscopiques. Les nutriments obtenus par symbiose mycorhizienne sont nécessaires à la germination des graines d'orchidées et à la croissance des plantules.

Alors que la relation entre les orchidées et les champignons mycorhiziens a fait l'objet d'études détaillées, les conditions de survie des champignons qui contribuent au développement des populations d'orchidées ne sont pas aussi bien documentées.

Dans le but d'accroître les connaissances sur les facteurs environnementaux qui déterminent l'abondance des champignons mycorhiziens dans les habitats d'orchidées, des chercheurs de l'Institut Smithsonian ont mené une étude dont les résultats sont exposés dans un article publié fin janvier 2012 dans la revue Molecular Ecology1.

Des biologistes du Smithsonian Environmental Research Center, sous la direction de la scientifique Melissa McCormick ont conduit cette recherche, aux États-Unis, sur les conditions de croissance des champignons et leurs implications sur le développement de populations d'orchidées. Les chercheurs ont semé des graines d'orchidées [Goodyera pubescens, Liparis liliifolia et Tipularia discolor] dans des douzaines de parcelles d'expérimentation, ajoutant dans la moitié d'entre elles des champignons favorisant la germination. Ils ont ensuite observé le développement des orchidées dans six sites choisis : trois dans des forêts considérées jeunes (de 50 à 70 ans) et trois autres dans des forêts plus anciennes (de 120 à 150 ans).

Après quatre ans d'observation, les scientifiques ont constaté que les graines d'orchidées avaient germé là où les champignons étaient abondants, leur seule présence n'étant souvent pas suffisante pour favoriser la naissance de plantules.

Ainsi, dans le cas de l'espèce Liparis liliifolia, les graines semées n'ont germé que dans les parcelles dans lesquelles l'équipe de recherche avait ajouté des champignons. Dans l'état naturel des habitats, on ne trouve les champignons que dans quelques endroits. Dans le cours de leur recherche, les scientifiques ont constaté que les champignons étaient davantage présents dans les forêts anciennes.

L'espèce Liparis liliifolia est présente aux États-Unis depuis la Nouvelle-Angleterre et le Minnesota jusqu’à l’Arkansas et l’Alabama.

On croyait précédemment que la répartition canadienne de Liparis liliifolia se limitait au sud-ouest de l’Ontario mais deux populations ont été découvertes beaucoup plus à l’est, dans l’est de l’Ontario et le sud-ouest du Québec. L’espèce a également été signalée à l’île Pelée, à l'extrême sud du Canada.

En étudiant des échantillons de sol, on a constaté que les champignons étaient, avant l'introduction effectuée par les chercheurs, 12 fois plus abondants dans les forêts anciennes que dans celles étant d'un développement plus récent. De plus, la variété des champignons dans les forêts anciennes était plus grande.

Dans les parcelles où la forêt était plus ancienne, on a trouvé, en moyenne, 3,6 espèces différentes

de champignons du genre Tulasnella – bénéfiques à la germination des graines d'orchidées – par échantillon de sol alors que la moyenne dans les parcelles de forêt plus jeune, était de 1,3.

Les champignons en symbiose avec les orchidées étaient également plus abondants dans les parcelles ou du bois en décomposition avait été ajouté par les chercheurs. On suppose donc que les champignons bénéfiques aux orchidées croissent mieux dans des milieux où le bois ou les feuilles en décomposition sont abondants.

Les forêts où prospèrent les champignons ont un rôle déterminant dans la pérennité des populations d'orchidées. Ainsi, pour conserver des espèces menacées, la seule régénération de forêts par sylviculture peut être insuffisante. En effet, si les forêts ne sont pas assez anciennes pour favoriser la présence de champignons bénéfiques aux orchidées, les espèces en voie de disparition pourraient ne faire leur apparition dans ces milieux qu'après des décennies, une telle évolution étant aléatoire.

La plus grande proportion de champignons mycorhiziens dans des forêts anciennes a une influence déterminante sur la présence d'espèces d'orchidées. En raison de la relation étroite entretenue par les orchidées avec leur milieu de croissance, la perte d'habitat menace leur développement voire leur survie. Ainsi, la conservation des plantes les plus vulnérables est liée à leur symbiose avec des champignons.

Comme le souligne la chercheuse, M. K. McCormick, pour favoriser le développement et la survie de populations d'orchidées, les chercheurs doivent connaître les conditions dont les champignons mycorhiziens ont besoin pour qu'existe un milieu favorable à la germination des graines d'orchidées. En somme, on sait maintenant que l'âge de la forêt et la présence de champignons vecteurs de nutriments sont des facteurs qui contribuent à la pérennité des espèces d'orchidées.

_______________________

1 McCormick, M.K., Lee Taylor, D., Juhaszova, K., Burnett, R. K., Whigham, D. F., O'Neill, J. P. (2012), Limitations on orchid recruitment: not a simple picture. Molecular Ecology.